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21 juin 1973 : Dissous pour antifascisme
- n° 2023
- Date : 26 juin 2003

Il y a trente ans, suite à des affrontements entre les "forces de l’ordre" et des militants antifascistes, la Ligue communiste était dissoute. Retour sur une page de notre histoire.

Le 28 juin 1973, le Conseil des ministres décide, sur proposition du ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin, de dissoudre la Ligue communiste. Fausse symétrie qui ne trompe personne, le groupe fasciste Ordre nouveau est également interdit. Plusieurs dirigeants de la Ligue sont incarcérés, son local et sa librairie sont mis à sac par la police.
Le prétexte de ces décisions pour le moins étonnantes ? Les affrontements violents qui avaient opposé, une semaine auparavant, les forces policières et plusieurs milliers de manifestants antifascistes protestant contre la tenue d’un meeting d’Ordre nouveau au thème sans ambiguïté : "Halte à l’immigration sauvage !" Les affrontements avaient causé plusieurs dizaines de blessés dans les rangs des forces de l’ordre. La Ligue communiste était la principale organisatrice de cette manifestation au but explicite : "meeting fasciste, meeting interdit !" Retranchés dans la Mutualité, les fascistes étaient protégés par un impressionnant dispositif policier. Situation peu commune : ce sont les manifestants, casqués et armés de cocktails Molotov, qui ont chargé la police, l’obligeant à reculer à plusieurs reprises.
Il est aujourd’hui difficile de comprendre ces événements sans les replacer dans le contexte de l’époque. L’esprit de Mai 68 soufflait toujours : dans la jeunesse scolarisée, dans les entreprises et dans bien d’autres couches de la société. Des dizaines de milliers de personnes s’engageaient pour un changement radical de société. L’irruption du mouvement de libération des femmes allait bouleverser la société française en profondeur. En Italie, le "Mai rampant" reposait la question d’une stratégie révolutionnaire. A nos portes, dans l’Etat espagnol, au Portugal et en Grèce, le mouvement ouvrier menait un combat difficile et clandestin contre des dictatures militaires fascisantes.
La Ligue partageait alors avec d’autres organisations d’extrême gauche une conviction : en Europe occidentale, le développement impétueux des luttes sociales déboucherait rapidement - dans les "quatre ou cinq années à venir" - sur des confrontations révolutionnaires. Pour briser l’offensive sociale et conserver son pouvoir, la bourgeoisie se servirait de tous les moyens : mesures répressives, utilisation de l’armée ou des bandes fascistes. Cette dernière hypothèse s’appuyait sur une réalité vécue : violences policières et utilisation de milices privées contre les grévistes, filatures et fichage de militants politiques et syndicaux, écoutes téléphoniques illégales, ratonnades contre les immigrés, assassinat de Pierre Overney, jeune ouvrier maoïste, par un vigile de la régie Renault. Il fallait donc s’y préparer.
Discréditée par la collaboration avec les nazis et le soutien aux sales guerres coloniales, l’extrême droite française entendait bien se reconstruire à travers une campagne raciste contre les immigrés, une stratégie que reprendra plus tard le Front national. D’où notre volonté d’éviter la banalisation des fascistes et de les "écraser dans l’oeuf".

La Ligue continue !

Nombreux, y compris à gauche, manifestèrent leur désaccord avec notre initiative. Les plus bienveillants pensaient que la Ligue était tombée dans une provocation. Après avoir dissous la Gauche prolétarienne, une organisation d’inspiration maoïste, Marcellin crût un peu rapidement pouvoir renouveler l’opération avec la Ligue. D’abord saisie de stupeur après la diffusion télévisée d’images spectaculaires d’affrontements, l’opinion publique se retourna assez rapidement. D’abord la presse dut rendre compte du contenu du meeting fasciste : déclarations racistes, xénophobes et antisémites, menaces de mort. Le vrai scandale n’était donc pas la manifestation, même si ses formes ne pouvaient recueillir l’assentiment populaire, mais la tenue d’un tel meeting ! Le principal syndicat de policiers diffusa de nombreux témoignages prouvant que la police avait protégé les fascistes qui déchargeaient en toute impunité des stocks de barres de fer et de boucliers. D’autres témoignages attestèrent que la hiérarchie policière, pourtant informée de la formation de la manifestation, n’en avait pas averti les unités présentes sur le terrain, qu’elle avait abandonnées sans consignes ni équipement suffisant. Résultat : Le Nouvel Observateur put qualifier Marcellin de "suspect numéro un".
Les organisations syndicales, tous les partis et dirigeants de gauche, des magistrats ainsi que de nombreux artistes et intellectuels protestèrent contre la dissolution de la Ligue. Grande première : le Cirque d’hiver accueillit un meeting de solidarité où, après de nombreux autres orateurs, Jacques Duclos, dirigeant du PCF, déclara "élever une vigoureuse protestation contre l’arrestation d’Alain Krivine et contre la dissolution de la Ligue communiste". Attitude nouvelle : le PCF avait jusqu’alors traité les militants révolutionnaires de "gauchistes-Marcellin". Néanmoins, la Ligue fut interdite de parole au cours de ce meeting convoqué… pour la défendre.
Au cours de l’été, les dirigeants emprisonnés furent relâchés. Les poursuites judiciaires se perdirent opportunément dans les sables de la procédure. Marcellin avait raté son coup et, quoique dissoute, la Ligue n’en continua pas moins à fonctionner et à intervenir autour de Rouge qui n’avait pas été interdit. Quelques mois plus tard naquit le Front communiste révolutionnaire. Ni le gouvernement ni la justice n’osèrent invoquer le délit de "reconstitution de ligue dissoute". Dernier clin d’oeil, fin 1974, le congrès de l’organisation décida de prendre le nom de Ligue communiste… révolutionnaire.
Ces événements nourrirent un intense débat dans nos rangs : le 21 juin avait-il été une erreur ? Fallait-il pour autant ne rien faire ? La Ligue avait-elle failli basculer dans la violence minoritaire ?
Périodiquement, cette dernière question revient sous diverses plumes : l’ainsi nommée "tentation insurrectionnelle" dont la Ligue était soupçonnée aurait-elle pu donner naissance à une dérive terroriste comme ce fut le cas pour d’autres organisations en Allemagne (bande à Baader) ou en Italie (Brigades rouges) ? C’est oublier un peu vite que la réflexion stratégique de notre courant exclut le terrorisme et que, si la Ligue était une petite organisation, ses liens avec le mouvement ouvrier, produits d’une longue histoire, étaient beaucoup plus étroits que ceux des groupes qui versèrent dans le terrorisme. C’est oublier surtout que l’action de la Ligue communiste était loin de se réduire aux "exploits" de son service d’ordre. Dans les mois qui précédèrent le 21 juin, la Ligue avait animé un mouvement rassemblant des centaines de milliers de lycéens contre la réforme des sursis (loi Débré). Elle avait organisé une conférence de salariés réunissant plusieurs centaines de sympathisants, preuve d’un début d’implantation dans le monde du travail.
Mais le 21 juin marquait bien une rupture avec la période de l’immédiat après-68. Une autre aventure commençait avec Lip, le Larzac, les comités de soldats, la confrontation avec l’Union de la gauche. Et la construction d’une organisation révolutionnaire indépendante immergée dans le mouvement social. Et toujours résolument antifasciste.

François Duval.


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